15/06/2008

Il n'y a rien de plus inutile qu'un organe




le concept de corps sans organes fut créé en 1980 par gilles deleuze et félix guattari dans
mille plateaux- capitalisme et schizophrénie 2. l'idée était alors d'étudier une production délirante et désirante du malade sur l'organicité de son propre corps. deleuze et guattari travaillent alors à partir de leurs observations sur les malades et des écrits d'antonin artaud. le CsO n'est pas vraiment un CsO puisqu'il s'agit davantage d'une réorganisation de l'organisme. la mécanique ordinaire du corps devient intolérable au malade, qui se met en guerre contre l'agencement des organes. la provocation d'artaud qui déclare le 28 novembre 1947 depuis l'hopital psychiatrique où il est interné "il n'y a rien de plus inutile qu'un organe" (alors que l'organe se définit précisément par sa fonction) en est la trace. le corps est réinventé dans le psychisme du malade. dans un premier temps le régime organique traditionnel est suspendu, puis réorganisé. deleuze et guattari développent de nombreux exemples. on pourra retenir que le masochiste préconise un verrouillage généralisé du corps, une fermeture organique intégrale. le drogué propose un cumul économique d'organe (un trou dans le poumon est plus efficace) et l'hypocondriaque, qui est lui-aussi dans l'économie puisqu'il développe l'idée d'un coprs épuré, qui ne serait plus constitué que de peau et d'os. on peut enfin noter que le CsO engage un repli du corps sur une seule grande sensation. c'est par exemple la douleur pour le masochiste ou un grand froid pour le drogué.

on peut s'intéresser au corps du zombie et notamment à son organicité en utilisant les outils posés par deleuze et guattari. on peut penser cette démarche anachronique puisque le concept de CsO a été forgé en 1980, alors que le zombie existait déjà. mais il n'est pas inconcevable de penser qu'il y aurait eu une croissance parallèle du concept de corps sans organes et du zombie. le zombie nait en 1932 avec white zombie de victor halperin, s'affirme en 1968 avec le premier romero, night of the living dead, puis explose dans les années 80 avec bon nombre de déclinaisons (day of the dead de romero, la paura de fulci, return of the living dead de o'bannon, dead heat de goldblatt...). les prémices du CsO datent de 1947 ("il n'y a rien de plus inutile qu'un organe") et 1959 (le festin nu de burrows). on peut donc postuler une parenté entre les deux concepts.

le CsO est présent dans le film de zombie par une suspension de certaines fonctions vitales, une coupure entre l'organe et sa fonction. dans i walked with a zombie de jacques tourneur, le zombie ne saigne pas. ceux de return of the living dead n'ont ni pouls, ni pression artérielle et sont à la température ambiante. chez fulci (la paura) le corps du zombie est vide. dans la scène de fin, lorsque celui-ci est vaincu, on remarque que son corps n'est rien d'autre qu'une coquille vide. le corps du zombie est donc soit dépourvu d'organes, soit ceux ci ont cessé de fonctionner. les zombies ont un cerveau, puisque c'est la chose à détruire pour les tuer dans les films de romero, mais cet organe ne sert pas à réfléchir. de même, ils ont une bouche, qu'ils n'emploient pas pour parler ou embrasser. c'est alors une pure puissance de dévoration.

le zombie sur la table de dissection de day of the dead, le troisième romero, n'a plus d'estomac mais conserve la pulsion de dévoration. lorsque le professeur logan approche sa main de la bouche du zombie, celui-ci tente de la mordre. le zombie ne dévore pas pour se nourrir mais car son corps est comme replié sur une seule grande intensité, la grande sensation de deleuze et guattari, une sorte de fringale inassouvie. la pulsion est maintenue tandis que l'organe est absent.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

« La santé, c’est la vie dans le silence des organes », le chirurgien rené leriche eut fort à faire avec le concept deleuzo-guattarien...

Anonyme a dit…

...dans le cadre de son application au monde de la zombitude !